Le terme « trame noire » ou « trame sombre » est de plus en plus courant dans nos discussions et préoccupations quand il est question d’érosion et de préservation de la biodiversité. Mais de quoi s’agit-il ?
La trame noire peut être définie comme un ensemble connecté de réservoirs de biodiversité et de corridors écologiques pour différents milieux (sous trames), dont l’identification tient compte d’un niveau d’obscurité suffisant pour la biodiversité nocturne. Plus simplement, c’est prendre en compte le paysage nocturne et les besoins d’obscurité des espèces qui vivent la nuit et qui sont impactées par la pollution lumineuse. Il s’agit donc de préserver « la nuit » de nos éclairages artificiels par le biais de la politique publique « Trame verte et bleue » qui vise à limiter l’impact de nos aménagements et assurer la fonctionnalité des continuités écologiques (c’est à dire permettre aux espèces de se déplacer librement pour réaliser leur cycle de vie).
Les effets de la pollution lumineuse sur le vivant
De nos jours, les impacts de l’éclairage artificiel sur le vivant sont de plus en plus étudiés et la pollution lumineuse est reconnue comme étant un élément fragmentant du paysage nocturne et entraînant la disparition de l’habitat nocturne, essentiel à de nombreuses espèces.
L’alternance jour/nuit structure le rythme de vie des espèces, certaines sont plutôt diurnes (vivant le jour) et d’autres plutôt nocturnes (vivant la nuit). Les espèces nocturnes ont évolué et se sont adaptées à l’obscurité pour pouvoir se nourrir, chasser, se déplacer et communiquer avec leurs congénères en utilisant par exemple, les ultrasons (chauves-souris) ou la bioluminescence (vers luisants).
La pollution lumineuse ne cesse de croître sur terre et a des effets néfastes aussi bien sur les végétaux que les animaux.
Pour les espèces animales, cela se traduit par l’attraction avec des espèces attirées par la lumière (insectes qui tournent autour d’un luminaire) et la répulsion, avec des espèces qui fuient la lumière (chauves-souris, amphibiens). Dans les deux cas, la lumière va perturber le cycle biologique et l’écologie de ces individus (reproduction, rythme d’activité, domaine vital…).
La pollution lumineuse entraîne aussi des déséquilibres des relations entre espèces en modifiant leur répartition spatiale (fuite/attraction), les relations proies/prédateurs et les services rendus par la nature tels que la pollinisation qui diminue fortement sur les sites éclairés.
Une loi française pour diminuer les nuisances lumineuses !
L’Arrêté ministériel du 27 décembre 2018, relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses, impose des prescriptions temporelles et techniques sur l’éclairage public et privé, pour lutter contre la pollution lumineuse. Cette réglementation s’organise autour de 7 grandes catégories d’éclairage (mise en valeur du patrimoine, éclairage des bâtiments non résidentiels, parkings,…). Des prescriptions particulières sont données pour les sites à enjeux astronomiques et écologiques (Parcs naturels régionaux, réserves naturelles…) et il est désormais interdit d’éclairer les surfaces en eau (lacs, étangs, cours d’eau,…). Les installations existantes doivent se mettre en conformité au fur et à mesure de leur rénovation ou de leur remplacement. Toute nouvelle installation depuis janvier 2020 doit être conforme à cet arrêté. Les infractions aux prescriptions sont passibles d’une amende au plus égale à 750 € par installation lumineuse irrégulière.
Pour en savoir plus : https://www.ecologie.gouv.fr/arrete-du-27-decembre-2018-relatif-prevention-reduction-et-limitation-des-nuisances-lumineuses
Les collectivités normandes s’engagent
De plus en plus de collectivités pratiquent la coupure en cœur de nuit. Cette extinction partielle est une avancée pour lutter contre la pollution lumineuse mais n’est pas suffisante pour prendre en compte la biodiversité très sensible à l’éclairage en période d’aube et de crépuscule. Il faut donc se poser les bonnes questions pour éclairer ce qu’il faut, quand il faut et où il faut. À l’échelle d’une commune, il est préférable de travailler sur son éclairage à la manière de la gestion différenciée des espaces verts, en se basant sur les besoins humains et les enjeux biodiversité de son territoire (TVB) et en ayant une approche par secteur. À l’échelle d’une agglomération ou d’un EPCI, il est nécessaire d’identifier et de restaurer la trame noire.
Les EPCI normands engagés dans une démarche d’identification de la trame noire : CA Lisieux Normandie, CA Seine Eure, Cdc Coeur Côte fleurie, CU d’Alençon et d’autres à venir.
Le rôle de l’ANBDD
Depuis 2020, l’Agence normande de la biodiversité est à l’initiative d’une dynamique régionale pour que les normands s’emparent du sujet de la préservation de la biodiversité nocturne et des impacts de la pollution lumineuse. Cette dynamique est alimentée par de nombreuses actions et expérimentations portées par les collectivités (CASE, Lisieux Normandie, Bayeux, Pont de l’Arche,…) et partenaires (PNR, GMN, syndicats d’énergie, FNE, DDTM…). Afin de répondre aux attentes et besoins identifiés, l’ANBDD a déjà lancé plusieurs actions :
- Animation d’un groupe de travail « Trame noire » regroupant des collectivités et partenaires engagés sur ce sujet
- Création d’un module de formation « Biodiversité et trame noire, comment lutter contre la pollution lumineuse? » à destination des élus et agents de collectivité.
- Création d’une boîte à outils (en cours de développement) regroupant des retours d’expériences, des documents de sensibilisation et d’aide à la décision.
- La médiatisation du sujet en Normandie en organisant des temps forts (formations, ateliers) et en répondant présent aux sollicitations des collectivités, médias et partenaires.
Vous êtes une collectivités et vous avez pour projet de mener une réflexion sur votre éclairage ou la pollution lumineuse de votre territoire. Contactez -nous !
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