13 décembre 2023

[Retour sur l’atelier technique] Sciences participatives, des démarches au service de la connaissance et des collectivités

[Retour sur l’atelier technique] Sciences participatives, des démarches au service de la connaissance et des collectivités
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Les sciences participatives sont un formidable outil pour éveiller la curiosité du grand public sur la nature et l’inciter à découvrir, sur le terrain, les espèces végétales et animales présentes dans nos villes et villages. Elles sont également une opportunité pour acquérir des données naturalistes locales contribuant ainsi à améliorer la connaissance sur la biodiversité des territoires.

Les sciences participatives sont donc des ressources précieuses pour les collectivités, soit dans le cadre d’un Atlas de la Biodiversité Communale, d’un programme animé par l’école communale ou encore lors de sessions d’animations de terrain encadrées par un naturaliste ou lors de journées nationales d’observation. En retour, les sciences participatives permettent aux structures naturalistes d’élargir le nombre d’observateurs sur le terrain et de recueillir des données provenant d’espaces privés tels que des jardins, sites d’entreprises, parcelles boisées et agricoles qui contribueront ensuite à la mise à jour des indicateurs de biodiversité normande.

L’atelier technique proposé par l’ANBDD le 23 novembre 2023 à Saint-Sauveur-Villages a réuni plus d’une vingtaine de participants. Il a permis de retrouver des retours d’expériences et d’échanger autour des sciences participatives, de la donnée, de l’engagement naturaliste, etc.

Les retours d’expériences et les échanges

Les témoignages

Les programmes de sciences participatives ont vocation à mobiliser les citoyens sur des observations scientifiques protocolées, qui seront remontées ensuite pour abonder des programmes de recherche et d’acquisition de connaissance et de données.
Ces programmes s’adressent à une grande diversité de publics, novices ou experts peuvent être participants.

Les sciences participatives à Saint-Sauveur-Villages, l’exemple de l’ABC Atlas de la Biodiversité Communale
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Florence Thomas, commune de Saint-Sauveur-Villages

Saint-Sauveur-Villages est une commune nouvelle, regroupant 7 communes déléguées.
La démarche de l’ABC Atlas de la biodiversité communale est l’une des actions mises en place par la nouvelle équipe municipale pour mieux connaitre le territoire. Outre le recueil de données naturalistes – utiles pour la connaissance et pour mieux documenter et construire les documents d’urbanisme futurs -, l’ABC permet aussi de mieux faire connaître la richesse écologique du territoire aux habitants, de mettre en place des outils de démocratie participative, de faire du lien social sur le territoire.
La commune est accompagnée par le CPIE du Cotentin sur l’aspect scientifique et animations et s’appuie sur le comité citoyen de la commune.
Durant tout le temps de l’ABC, la population est très mobilisée pour collecter des informations naturalistes, par des « avis de recherche », des animations, des sorties… Pour l’inventaire participatif, un outil simple en ligne permet à chacun de poster ses contributions. Le bilan de l’utilisation de cet outil est contrasté. Le padlet peut présenter l’inconvénient de ne pas être facile à utiliser pour tous les publics et rend difficile l’exploitation des données. Une fois l’ABC terminé, l’outil n’est plus alimenté en observations, ce qui est dommage.

Une réflexion pourrait être menée pour utiliser un nouvel outil, afin de poursuivre la démarche qui a largement fédéré la population et créé une belle émulation. En renforçant le lien social, l’ABC a aussi permis de susciter d’autres actions directement proposées par les habitants comme des chantiers participatifs.

La page de l’ABC sur le site de la mairie de Saint-Sauveur-Villages
Le poster Faune et Flore à Saint-Sauveur-Villages (Céline Lecoq, CPIE du Cotentin, 2023)

Un outil pour les amphibiens / reptiles : Un dragon dans mon jardin !- Observatoire Batracho-Herpétologique Normand
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Quentin Lesouef, Observatoire Batracho-Herpétologique Normand

L’action « Un dragon ! Dans mon jardin ? » est initiée en 2004 en Normandie. Elle essaime depuis dans toute la France.
Le but du programme est de permettre à tous de participer à l’amélioration de la connaissance naturaliste. Proposer aux citoyens d’inventorier les amphibiens et les reptiles chez eux et autour d’eux, notamment dans les espaces privés que sont les jardins, permet d’obtenir des données là où l’on a généralement peu accès. La quête est aussi ludique, on cherche des « dragons » !
Les données récoltées sont utilisées pour actualiser les connaissances sur la répartition des espèces, permettent aux naturalistes experts de pousser des prospections plus fines, de signaler les zones d’écrasement routier, etc.. Le programme permet aussi de diffuser des préconisations au grand public pour mieux accueillir amphibiens et reptiles sur leur terrain.

► Projet Un dragon ! Dans mon jardin ? – Société Herpétologique de France / Centres Permanents d’Initiatives pour l’Environnement / Muséum national d’Histoire naturelle
La nuit du dragon

 

Enquête Hirondelles et martinets : un exemple de science participative – PNRMarais du Cotentin et du Bessin
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Nicolas Fillol, Parc naturel régional Marais du Cotentin et du Bessin

Le parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin souhaitait attirer l’attention sur le changement climatique et ses conséquences sur le territoire.
Couplant enjeux climat et biodiversité, l’un des moyens retenus a été la mise en place d’un observatoire participatif des dates de retour des hirondelles et martinets au printemps. L’objectif premier assumé par le parc est bien la sensibilisation des habitants aux effets du changement climatique. Sensibiliser à la biodiversité de proximité et acquérir des données naturalistes est un plus.
En proposant des oiseaux bien connus, largement répandus, le PNR souhaite massivement mobiliser les habitants, les scolaires, etc.. Le protocole utilisé est simple, les habitants n’ont qu’à envoyer un mail précisant l’espèce, la date de leur première observation de l’année et la commune d’observation. Le PNR peut alors compiler tous les ans les données pour mettre en évidence les modifications des comportements migratoires en lien avec le changement climatique.
L’action est menée depuis plusieurs années. Les contributeurs sont informés des résultats tous les ans, mais il n’y a pas de temps consacré à l’animation de ce projet.

Hirondelles et martinets, enquêtes d’observations – PNR marais du Cotentin et du Bessin
Communiqué de presse 2023 – PNR marais du Cotentin et du Bessin

 

Présentation de l’Atlas ODIN – ANBDD
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Romain Matton, ANBDD

ODIN est la plateforme régionale de mise à disposition des données naturalistes en Normandie.
C’est l’outil régional du SINP Système de l’Inventaire du patrimoine naturel, dispositif national qui « vise à structurer les synergies et les coopérations entre les acteurs œuvrant pour la production, la gestion, le traitement, la valorisation et la diffusion des données relatives à l’inventaire du patrimoine naturel institué en application de l’article L. 411-1 A du code de l’environnement.  » (Schéma métier du SINP).
La plateforme ODIN est actuellement en mutation, et  proposera bientôt deux outils, l’Atlas ODIN et l’outil ODIN.

L’Atlas ODIN est d’accès facile et agréable, il va permettre de visualiser les données d’observation des espèces sauvages (faune, fonge, lichen uniquement, les données flore étant gérées en région par les Conservatoires botaniques nationaux). Il donne aussi l’accès à de nombreuses fiches espèces et photos (moissonnées actuellement sur le site de l’INPN), permet la visualisation de certaines données à l’échelle d’une commune et met en avant les espèces « à voir en ce moment », etc.
L’Atlas ODIN sera disponible en ligne dans sa version définitive début 2024. La version beta de l’outil est actuellement accessible en ligne.

Au fil des échanges, il s’est dit aussi…

L’action des collectivités
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Quand la collectivité choisit de mettre en place un ou plusieurs programmes de sciences participatives, c’est souvent avec des objectifs multiples et variés. Le choix peut être motivé par le souhait de sensibiliser les habitants à la biodiversité, de créer du lien social, de faire participer les habitants et les acteurs du territoire à un projet fédérateur, d’engranger de nouvelles données et améliorer l’état des connaissances scientifiques, etc. C’est souvent le cas pour accompagner une démarche d’ABC, dans le cadre des actions de sensibilisation d’un dossier Territoire Engagé pour la Nature, quand il y a des enjeux forts de biodiversité sur le territoire….
La collectivité est le plus souvent accompagnée par des partenaires extérieurs (associations naturalistes, etc.)
Pour la mise en place de projets de sciences participatives dans une école, la commune ne peut qu’inciter, donner les informations nécessaires aux enseignants, mais ce sera toujours sur la base du volontariat de l’équipe pédagogique que les actions seront menées.
Les centres de loisirs peuvent eux aussi être friands d’actions de sciences participatives et d’actions sur la biodiversité.
Les programmes de sciences participatives peuvent se monter à l’échelle d’un EPCI, de plusieurs communes.
Les données des ABC doivent être versées au système régional du SINP. C’est souvent la structure accompagnatrice qui s’en charge.

Le choix des programmes
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Selon les objectifs que l’on souhaite atteindre, le choix portera sur des programmes différents.
Selon l’angle recherché, il peut s’agir d’étudier des espèces ou milieux pour améliorer la connaissance, de faire participer le plus grand nombre de citoyens, etc. Le choix d’espèces bénéficiant d’un capital sympathie (papillons, grenouilles, etc.) peut faciliter l’accès au programme pour des publics néophytes. Certains programmes « maison » peuvent demander des indications assez simples (photo, espèce , localisation, date, observateur), d’autres programmes sont plus pointus et utilisent des protocoles précis.

L’adhésion du public
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Une campagne de sciences participatives nécessite une bonne communication auprès du public ciblé. Les avis de recherche peuvent être relayés par la presse locale, le bulletin municipal, les réseaux sociaux, les associations locales ou les acteurs du territoire.
Le contributeur est aidé par des outils variés, des fiches de détermination des espèces, des applis, des outils spécifiques d’aide à la prospection, des protocoles complets à mettre en oeuvre, des temps d’échanges parfois, pour faciliter sa connaissance et améliorer la qualité des données recueillies sur le terrain.
L’adhésion du public se fera d’autant plus qu’il existe des interactions entre l’observateur bénévole et les naturalistes experts qui accompagnent le programme, pour valider les données et aider à se perfectionner (suivi des questions, emailing régulier, animations, gazette d’actualité, mentorat, etc.).
La rapidité de la visualisation des données en ligne est souvent un facteur encourageant pour les bénévoles. Voir sur une carte de répartition les « points » matérialisant leurs observations est valorisant et stimulant.
L’aspect ludique des quêtes peut permettre à des publics peu sensibles à la biodiversité de se mettre aux sciences participatives. Ainsi, le système des « points » des quêtes de l’INPN est séduisant pour qui est joueur. De même, l’opération « Un Dragon ! Dans mon jardin ! » peut amener les enfants et adolescents à jouer un rôle de Dragonnier, « chevalier protecteur » des amphibiens et reptiles en régression sur le territoire, accroche amusante et singulière.
Au fil du programme, il est important de maintenir un lien régulier (résultats, événements, etc.) avec les contributeurs pour conserver l’énergie et la mobilisation. Certains programmes de sciences participatives arrivent d’ailleurs à fédérer une large communauté d’observateurs, avec des événements, des forums de discussions, des formations naturalistes, des webinaires, etc.

L’exploitation des données et l’importance de la donnée naturaliste
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L’objectif des sciences participatives est de faire contribuer le plus grand nombre de citoyens – pas forcément spécialiste – à la connaissance naturaliste. C’est d’abord la sensibilisation qui est visée.
L’exploitation des données naturalistes est variable selon le programme. En effet, les données seront plus ou moins facilement exploitables, en fonction des outils et des consignes données, ainsi que des protocoles que l’on a choisi d’utiliser.
La donnée demande à être validée par des experts naturalistes. Cette étape, en aval de la collecte des informations, est indispensable, souvent longue, et parfois compliquée et peut devenir un facteur limitant.
Si l’on souhaite monter un programme de sciences participatives, il est indispensable de se rapprocher des structures naturalistes, afin que les données récoltées soient le plus exploitables possibles, avec un format compatible avec les bases de données structurées existantes.
Pour les associations naturalistes, il est en effet très important de faire remonter ces données d’observation. Ce sont ces informations qui pourront être exploitées, analysées pour une meilleure connaissance des enjeux de préservation des espèces et des milieux, pour aider à la décision des politiques publiques, etc.

L’engagement naturaliste, passer des sciences participatives aux associations naturalistes
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Le facteur humain est ainsi souvent le facteur limitant, les naturalistes compétents et les associations n’ont souvent malheureusement pas assez de temps pour accompagner les contributeurs les plus engagés à monter en compétence, à les motiver vers l’utilisation d’outils plus spécialisés de collecte de données, d’autant plus dans le cas de certaines espèces difficiles à déterminer.
La frustration ressentie par certains participants dans l’utilisation des sciences participatives est liée en partie au fait que peu de citoyens passent du mode « observateur » à « naturaliste associatif ». Le saut entre l’implication dans un ou plusieurs programmes de sciences participatives et la participation effective aux actions d’une association est assez peu courant.
Pour aider à cette bascule, des « ambassadeurs » peuvent être utiles sur le terrain, au plus près des bénévoles, en faisant office de personnes-ressources pour créer de l’émulation, prendre en main les animations, les prospections, et être le relais entre les citoyens et les associations naturalistes.

La difficulté de se retrouver dans tous les programmes de sciences participatives
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Il a été pointé dans les échanges la difficulté de se retrouver dans tous les programmes de sciences participatives recensées en France.
On peut se rapprocher des associations naturalistes régionales pour avoir des informations. La Normandie a la chance d’avoir un tissu associatif naturaliste dense.
Il existe également des programmes spécifiquement déclinés pour des publics particuliers, notamment les publics scolaires comme Vigie-Nature École.

« Les sciences participatives, c’est aussi de la sensibilisation. À partir des sciences participatives, il faut arriver à ce que les gens s’engagent dans la préservation de la biodiversité, il faut arriver à sensibiliser les gens, à sensibiliser les enfants, à être prescripteurs de bonnes pratiques… » (un participant)

Nous remercions la commune de Saint-Sauveur-Villages pour son accueil, à tous les intervenants et aux participants pour la richesse des informations et des échanges.

Des informations en +

ANNUAIRE #Normandie

Le Catalogue des acteurs de la biodiversité en Normandie
ANBDD

Vous recherchez des interlocuteurs pour mener à bien vos projets ?

Quelques EXEMPLES #Normandie

Grand comptage des oiseaux de jardins (chaque année fin janvier)
Groupe ornithologique normand

Annuaire des programmes de sciences participatives (sur l’eau, sous l’eau, sur le littoral)
Réseau Sentinelles de la mer – URCPIE de Normandie

Utilisation de l’outil GeONature Citizen

Les compléments d’information sur les sujets évoqués

PORTAIL OPEN : les observatoires participatifs des espèces et de la nature
OPEN est animé par l’Union nationale des CPIE en étroite collaboration avec le Collectif National Sciences Participatives Biodiversité

SITE / PLATEFORMEVigie-Nature École
Muséum national d’histoire naturelle

GUIDE Sciences participatives et biodiversité. Conduire un projet pour la recherche, l’action publique, l’éducation. Guide de bonnes pratiques
Collectif Sciences participatives Biodiversité, décembre 2016, 80 p

GUIDE Guide d’accompagnement pour la transmission des données d’observation sur les espèces dans le cadre de programmes nationaux (inventaire, atlas, réseau de surveillance, observatoire, etc.)
PatriNat (OFB-MNHN-CNRS-IRD) , avril 2023, 13 p.

Les fiches-ressources de l’ANBDD, le bouquet d’infos

Chaque fiche-ressource est thématique et recense des ressources d’information (sites, guides pratiques, guides méthodologiques, fiches pratiques, webinaires en replay, vidéo-témoignages) qui permettent d’approfondir le sujet, de trouver des prestataires, etc..

Parmi les fiches parues :

ressources

Les réseaux Biodiversité & Territoires et Acteurs de la connaissance naturaliste

L’atelier technique proposé par l’ANBDD le 23 novembre 2023 à Saint-Sauveur-Villages est un atelier technique conjoint aux réseaux Collectivités et Connaissance de l’ANBDD.