Biodiversité piscicole des estuaires de Normandie

Biodiversité piscicole des estuaires de Normandie

Les milieux aquatiques sont l’une des entités paysagères, culturelles et économiques indispensables à la vie. Au débouché des fleuves, les estuaires sont des zones humides uniques où se multiplient les échanges et les flux entre la mer, les eaux continentales et celles des marais adjacents. Depuis des millénaires, ces paysages particuliers dessinent un territoire, nourrissent les populations, et enrichissent les cultures.

Biodiversité, changement climatique, disparition d’espèces, multiplication des espèces invasives… Ces mots font désormais partie de notre actualité, mais quelle est leur signification au sein d’espaces aussi réduits que les estuaires ? La prise de conscience d’un climat qui change et de ressources épuisables incite à évoluer, tout autant qu’à évaluer les risques encourus sur ces territoires fragiles et exposés que sont les interfaces terre-mer.

La mise en œuvre de la Directive Cadre Européenne sur l’Eau à la fin des années 2000 dans les masses d’eau de transition (MET) a permis le démarrage d’un suivi standardisé de la faune piscicole à l’échelon national dont 8 sites en Normandie : l’estuaire de la Seine (3 masses d’eau), la Risle maritime, l’estuaire de la Dives, celui de l’Orne, la baie des Veys et la baie du Mont-St-Michel. Bien que non classés en tant que MET, les havres de la côte Ouest du Cotentin ont pu également bénéficier d’apports de connaissances dans ce même contexte.

La Cellule de Suivi du Littoral Normand, avec le soutien de l’Europe, la Région Normandie et l’Agence de l’eau Seine Normandie, a mené un long travail de compilation, d’analyse et de croisement des données DCE et a publié des rapports d’étude complets sur la biodiversité piscicole des 8 sites normands. Ce travail s’appuie essentiellement sur les données de suivi de la « DCE » à partir d’échantillonnages selon l’axe longitudinal des fleuves. Outre cette approche classiquement abordée, l’originalité de la démarche
repose sur l’incorporation de résultats de pêches acquis dans d’autres contextes au niveau des habitats latéraux. Les rapports de synthèse sont à découvrir ci-dessous.

Estuaire de la Dives
Estuaire de l’Orne
Baie des Veys
Les Havres du Cotentin
La baie du Mont St-Michel et du Couesnon
L’estuaire de la Seine
Enjeux pour l’avenir :

Parmi les choix possibles de gestion, une stratégie d’aménagement des zones tampons arrière littorales a déjà été tes- tée avec succès et permettrait d’enrayer la tendance régionale actuelle à la perte d’habitats d’interface entre le fleuve et les zones humides adjacentes : https:// www.lifeadapto.eu/

Les zones internes des estuaires étant les plus dégradées, c’est dans ces eaux dessalées qu’il convient d’agir en priorité. Ce genre d’approche est tout à fait possible et se concrétise peu à peu (Leymarie et al., 2019)

L’élévation du niveau de la mer peut en effet, être perçue comme une opportunité pour permettre le ré-ennoiement des marais arrière-littoraux et augmenter considérablement les gradients terre-mer et eau douce-eau salée.

CE QU’IL FAUT RETENIR

● La biodiversité taxonomique dépend du type d’habitat et n’évolue pas de la même façon sur les zones latérales que dans le centre du fleuve. Le niveau général de richesse cumulée est lié aux caractéristiques physiques (surfaces), hydrologiques et morphologiques du prisme estuarien, y compris de connectivité avec les systèmes adjacents. Lorsque le gradient de salinité est complet, le minimum de richesse se situe généralement en domaine méso ou oligohalin. Malgré le confinement et le cloisonnement accru en berge de ces zones halines, les annexes latérales y sont les plus riches. Les gradients environnementaux (salinité, bathymétrie, courant…), structurent par conséquent le turnover des espèces non seulement sur le plan longitudinal mais également transversal. Quel que soit l’axe considéré, le chevauchement plus ou moins important des espèces est probablement amplifié par le courant de marée.

● Un estuaire est un réacteur biologique très productif. La zone d’abondance piscicole maximale est paradoxalement située dans la masse d’eau typiquement estuarienne (eau poly à mésohaline), là où les sections sont généralement réduites par les aménagements et où les connectivités latérales sont dégradées ou disparues. Le peuplement piscicole dépend – ici comme partout ailleurs dans l’estuaire – de l’existence ou non d’écotones transversaux, permettant la formation de vasières latérales et de zones intertidales. Lorsque cela n’est pas le cas, les poissons benthiques sont largement défavorisés par rapport aux poissons pélagiques, comme c’est le cas dans l’estuaire de la Seine.

● C’est la caractéristique de nourricerie qui engendre l’attractivité générale d’un estuaire vis-à-vis de la faune piscicole, que ce soit dans le lit mineur, les vasières latérales, jusqu’aux marges du système et les d’habitats temporaires tels que les chenaux du schorre. La fonction essentielle des masses d’eau dessalées n’est donc pas de constituer un hot spot de biodiversité – caractéristique plutôt de la mosaïque de l’ensemble des habitats du complexe estuarien – mais de permettre aux espèces l’accès optimal aux différents habitats nécessaires à la croissance des juvéniles.