Évolution de la répartition des oiseaux caractéristiques des zones humides

Évolution de la répartition des oiseaux caractéristiques des zones humides

Certaines espèces d’oiseaux, comme la poule d’eau et le grèbe castagneux, affectionnent les petits cours d’eau, les mares ainsi que les lacs et les étangs. D’autres, comme la foulque macroule ou le grèbe huppé vont plutôt exploiter des plans d’eau plus vastes, comme les plans d’eau artificiels sur lesquels ils peuvent se regrouper en grand nombre. Ces espèces utilisent donc potentiellement la majorité des eaux libres, y compris dans des secteurs anthropisés. Relativement facile à observer, ce groupe d’espèces constitue un bon indicateur de l’évolution biologique des milieux lacustres et rivulaires d’une naturalité très variable.

Oiseaux caractéristiques des zones humides

Les chiffres clés

  • Le nombre de communes normandes accueillant des grèbes, foulques et poules d’eau a augmenté de 340 % en 50 ans;

  • Le nombre de communes normandes accueillant des fauvettes paludicoles a augmenté de 204 % en 50 ans;
Grèbe huppé (Photo: R. MATTON – ANBDD)

Évolution des espèces caractéristiques des plans d’eau et des cours d’eau* en Normandie:

Les espèces suivantes sont considérées comme caractéristiques des plans d’eau et des cours d’eau : le Grèbe castagneux, la Poule d’eau, le grèbe huppé et la Foulque macroule;

Évolution de la répartition des observations de grèbes, foulques macroules et de poules d’eau en Normandie par décennie, de 1971 à 2019 – populations hivernantes

Évolution de la répartition des observations de grèbes, foulques macroules et de poules d’eau en Normandie par décennie, de 1971 à 2019 – populations nicheuses :

Bien que ces espèces soient soumises à d’importants mouvements et à des fluctuations de populations inter-saisonnières, les cartes montrent une répartition assez proche des populations hivernantes et des populations nicheuses (hormis sur le littoral où les grèbes hivernent mais ne peuvent pas nicher). Ce qui sous entend que les secteurs régionaux favorables à ces espèces sont assez constants et offrent des ressources et des conditions d’accueil pérennes en toutes saisons. On distingue ainsi :

  • Un premier secteur avec les vallées de la Seine et de la Risle par la côte de l’Eure et les marais côtiers du pays d’Auge, puis l’estuaire et la basse vallée de l’Orne;
  • Un autre axe s’étend du val de Saire à la baie du mont Saint-Michel via la baie des Veys, les marais de Carentan et le chapelet d’estuaires des havres de la côte ouest du Cotentin;
  • L’Orne et le sud du département de la Manche montrent des plans d’eau plus isolés mais offrant un refuge régulier pour ces espèces. Les observations relevées dans le Perche ornais pourraient également être tributaires de la pression d’observation et, en hiver, du froid qui gèle les étangs;
  • Enfin, la vallée de la Bresle constitue un dernier pôle d’attraction pour les oiseaux d’eau, sans doute en lien avec la vallée de la Somme et le Hâble d’Ault, très proches.

En Normandie, les plans d’eau issus de l’exploitation des granulats jouent un rôle important, leur réaménagement et leur tranquillité sont déterminants pour la présence de ces espèces.

Évolution de l’occupation de l’espace par les espèces caractéristiques des plans d’eau et des cours d’eau:

Afin d’évaluer l’évolution de l’occupation de l’espace le nombre de communes sur lesquelles ces espèces ont été observées a été recensé par décennie. Ainsi, il apparait que le nombre de communes occupées augmente de façon constante à l’échelle régionale. La même tendance est observée à l’échelle départementale.

Toutefois, cette augmentation est peut-être représentative de l’augmentation de la pression d’observation sur cette période. Elle ne peut en aucun cas être synonyme d’une bonne santé des zones humides. Pour évaluer cette dernière, il conviendrait de développer une enquête dédiée.

L’occupation de l’espace a augmenté d’environ 340 % au cours des 50 dernières années.

Afin de limiter le biais lié à l’augmentation de la pression de prospection, une pondération a été appliquée en calculant la part relative des communes sur lesquelles ces espèces ont été notées par rapport à l’ensemble des communes qui ont été visitées. Il en ressort que le nombre de communes occupées et la part relative de ces communes par rapport au total des communes visitées augmentent sensiblement de même manière. Il y a donc une réelle augmentation de l’occupation de l’espace.

Espèces caractéristiques des zones humides végétalisées

L’appellation « fauvettes paludicoles » regroupe des espèces de passereaux de la famille des sylviidés, particulièrement bien adaptées à la vie au sein des roselières, mégaphorbiaies, cariçaies, et formations végétales peu élevées des milieux humides. Leur présence est indicatrice de la qualité de ces zones humides.

Les espèces caractéristiques prises en compte ici sont les suivantes : Bouscarle de Cetti/ Locustelle luscinioïde/ Locustelle tachetée/ Phragmite des joncs/ Phragmite aquatique/ Rousserolle verderolle/ Rousserolle effarvate/ Rousserolle turdoïde

Rousserolle effarvate (Photo: Ximo Galarza)

Évolution de la répartition des observations d’espèces paludicoles en Normandie par décennie, de 1971 à 2019

La carte de répartition des fauvettes paludicoles en Normandie suit logiquement celle des cours d’eau. On observe également des concentrations plus importantes au niveau des secteurs avec des plans d’eau. C’est par exemple le cas pour les vallées de la Bresle et de la Seine pour lesquelles, les aménagements et l’entretien des anciennes gravières permettent le développement de zones humides végétalisées ce qui favorise la présence de ces espèces.


En effet, les berges et les abords de cours d’eau et des plans d’eau peuvent constituer de précieux refuges ou, au contraire, devenir des boisements peu propices à la reproduction des fauvettes paludicoles. Il en est de même pour les zones de débordement des fleuves et rivières qui sont essentielles à leur bon fonctionnement écologique.


En Normandie, les nombreux estuaires constituent les principales zones de présence de ces espèces. Il s’agit par exemple :

  • De l’estuaire de la Bresle (certainement en relation avec les milieux situés plus au nord);
  • Des estuaires du littoral cauchois dont les capacités d’accueil semblent s’améliorer;
  • De celui de la Seine qui demeure un site de premier plan, associé à celui de la Risle maritime;
  • De l’estuaire de l’Orne montre également une présence continue de ces espèces, associé à la vallée de la Dives et, celle de la Touques, ils offrent un arrière-pays accueillant;
  • Des marais arrière-littoraux, voire plus continentaux comme celui du Grand Hazé, dans l’Orne, complètent le panel de zones humides de Normandie.


L’isthme du Cotentin comporte également de nombreuses zones humides : la baie des Veys et la baie du mont Saint-Michel associés à leurs marais arrière littoraux forment un vaste complexe particulièrement préservé pour ces espèces.


L’est de l’Orne, le Perche et ses nombreux étangs montrent par contre une forte variabilité, qui demanderait une expertise plus approfondie pour déterminer si l’évolution est liée aux milieux, ou a une variation du nombre d’observateurs et/ ou de la transmission des données.


Signalons également la pression exercée sur le trait côtier par l’érosion de plus en plus prégnante. On voit ainsi des pannes dunaires se réduire ou disparaître, et les populations de fauvettes avec elles. C’est pourquoi la préservation de ces espèces discrètes mais indicatrices de l’état de santé biologique des zones humides constitue un enjeu d’importance.

Évolution de l’occupation de l’espace par les espèces caractéristiques des zones humides végétalisées

Pour évaluer l’évolution de l’occupation de l’espace, le nombre de communes sur lesquelles les espèces caractéristiques des zones humides végétalisées ont été contactées ont été calculées par décennie.

Il en ressort que l’occupation de l’espace a augmenté d’environ 204 % au cours des 50 dernières années et que le nombre de communes occupées augmente régulièrement à l’échelle régionale tandis qu’à l’échelle départementale, elle n’est pas aussi régulière.

Afin de limiter le biais lié à la pression de prospection, une pondération a été appliquée en calculant la part relative des communes sur lesquelles ces espèces ont été notées par rapport à l’ensemble des communes qui ont été visitées. Tout comme pour les espèces de plans d’eau, il en ressort que le nombre de communes occupées et la part relative de ces communes par rapport au total des communes visitées augmentent sensiblement de même manière. Il y a donc une augmentation de l’occupation de l’espace. 

Cependant, à ce jour, les données dont nous disposons ne permettent pas d’écarter toute corrélation entre les variations de l’occupation de l’espace et celles de la pression d’observation.

Commentaire général :
Les zones humides de Normandie font l’objet d’une attention accrue depuis quelques dizaines d’années. Toutefois, des modifications de ces milieux continuent. Les espèces qui en dépendent doivent s’adapter à ces modifications. Quelques espèces particulièrement spécialisées sont indicatrices de ces évolutions. On peut ainsi noter que la complémentarité des sites ( estuaires, marais arrière-littoraux et plans d’eau communaux et urbains ) ont permis à ces espèces d’élargir leur aire de répartition sur le territoire régional, tandis que les effectifs paraissent stables. La Normandie joue un rôle important pour la conservation d’une biodiversité dynamique. Des zones demeurent toutefois mal connues, malgré une prospection plus systématique.

Pour en savoir plus, téléchargez la fiche complète de notre collection l’état des lieux des connaissances naturalistes régionales consacrée à l’évolution de la répartition des oiseaux caractéristiques des zones humides

Groupe Ornithologique Normand
GONm