Les reptiles (lézards et serpents) sont considérés comme de précieux indicateurs de la qualité des milieux naturels, notamment en ce qui concerne les milieux ouverts comme les landes, les pelouses calcicoles ou les milieux semi-ouverts comme le bocage. En effet, en raison de leur mode de vie et de leur biologie (organismes ectothermes), ces espèces sont particulièrement sensibles aux changements climatiques et à la fragmentation des milieux. Leur présence est donc souvent révélatrice d’habitats en bon état.
Richesse spécifique et niveau de rareté
En France, 37 espèces de reptiles sont présentes, parmi lesquelles 7 sont menacées d’extinction, soit 19% des espèces présentent sur le territoire métropolitain. comme l’indique la liste rouge nationale des reptiles menacés.
NB: Depuis la rédaction de cette fiche, une liste rouge des reptiles de Normandie a été publiée en 2022. Pour y accéder : c’est ici !
En Normandie, 11 espèces sont actuellement recensées, soit 30% des espèces présentes en France métropolitaine. La richesse spécifique de la région est donc assez faible comparée au nombre d’espèces françaises. Toutefois elle est similaire dans les régions limitrophes (de 9 espèces en Bretagne à 12 en Ile de France). Certaines espèces présentes en Normandie se trouvent en limite de répartition. Ainsi, elles ne sont pas observées plus au nord. C’est le cas du Lézard à deux raies, du Lézard des souches, de la Couleuvre verte et jaune ou bien de la Vipère aspic…
En l’état actuel des connaissances, certains secteurs de la région présentent une importante diversité de reptiles. C’est le cas du sud de l’Orne (forêt d’Andaines, forêt d’Ecouves et le Perche), de la Suisse normande ou bien encore des vallées de l’Orne et de la Seine (dans sa partie en amont de Rouen).
À ce jour, l’analyse des données disponibles au niveau régional a permis à l’OBHEN, structure de référence sur cette thématique, pilotée par l’URCPIE de Normandie, de définir que 64 % des espèces présentes en Normandie sont assez rares à très rares. Parmi elles, deux espèces sont très rarement observées en région. Il s’agit de la Vipère aspic et de la Couleuvre verte et jaune. D’autres ne sont présentes que sur 10 à 20% du territoire régional, il s’agit par exemple du Lézard des souches, de la Couleuvre d’esculape et le Lézard à deux raies.
Retrouvez, sur ce lien, le descriptif de chaque espèce.
Ces analyses ont également permis de faire ressortir des spécificités départementales :
Sur les 11 espèces présentes en Normandie, 10 sont assez rares à très rares dans au moins un des cinq départements.
Au niveau départemental, certaines espèces peuvent présenter un niveau de rareté alors qu’elles sont communes à l’échelle de la région. C’est le cas de deux espèces : l’Orvet fragile et le Lézard vivipare qui sont plutôt communs en Normandie, mais qui sont assez rares en Seine-Maritime et dans l’Eure notamment en raison de la présence de grandes cultures et/ou de milieux trop secs.
D’autres espèces ne sont présentes que dans un seul des cinq départements. C’est le cas de la Vipère aspic et la Couleuvre verte et jaune qui sont deux espèces présentes respectivement dans l’Orne et dans l’Eure et qui ont un statut très rare. Les secteurs de champs ouverts semblent les plus pauvres (Pays de Caux, plateau du Neubourg, plaine de Saint-André).
Quelles évolutions pour les reptiles en Normandie ?
Au niveau régional, l’analyse des données disponibles montre que les aires de répartition des espèces évoluent au cours du temps. Pour certaines elles régressent, tandis que pour d’autres, elles augmentent.
Ainsi, 45 % des espèces normandes (soit 5 espèces) ont connu une régression importante de leur aire de répartition entre 1900 et 1998. Sur cette période, leur territoire a été réduit d’au moins 20% !
Parmi elles, deux espèces ont subi une régression forte sur le territoire normand. Il s’agit :
- Du Lézard des souches (- 45%) qui a totalement disparu dans la partie armoricaine du département de l’Orne, notamment en raison de la raréfaction des milieux de landes et de taillis ;
- De la Vipère péliade (- 41%) qui a subi une raréfaction marquée dans le sud-ouest de la Manche et au nord du Perche ornais et dont la disparition est fortement liée à la dégradation du bocage (destruction de haies, de fossés, de prairies humides…) ;
Focus sur la Vipère péliade : une espèce menacée à l’échelle nationale !
La Vipère péliade fait partie des espèces inscrites sur la Liste Rouge Nationale en tant qu’espèce vulnérable. Elle n’est pas menacée à l’échelle de son aire de répartition (qui s’étend sur le continent européen et en Asie), cependant elle se trouve menacée de disparition dans l’ouest de l’Europe.
En France, la vipère péliade atteint la limite sud de son aire de répartition et la Normandie représente environ un quart de l’aire de répartition nationale de l’espèce. La responsabilité de la région est donc importante dans la préservation de cette espèce !
D’autres espèces comme le Lézard vivipare ou la Coronelle lisse sont également à surveiller. En effet, leur aire de d’occupation a diminué de 23% et 25% au cours des dernières décennies en Normandie.
Il faut également indiquer que certaines espèces présentent une expansion de leur aire de répartition. Il s’agit d’espèces qui sont régulièrement découvertes dans des secteurs où elles n’étaient pas présentes.
C’est le cas du Lézard des murailles et de la Couleuvre d’esculape. Pour ces deux espèces, de nouvelles populations sont régulièrement découvertes au nord de leurs zones de présence habituelles.
De façon générale, les enjeux de conservation des espèces de reptiles en Normandie, qu’il s’agisse de lézards ou de serpents, sont forts notamment au niveau du sud de l’Orne, de la Suisse normande et de la vallée de Seine dans sa partie en amont de Rouen.
Enfin, l’évolution de certaines espèces semble être impactée par les changements climatiques en cours. En effet, les données recueillies semblent indiquer que des espèces d’affinité méridionale progressent vers le nord-ouest de la région. C’est notamment le cas de la Couleuvre verte et jaune, de la Couleuvre d’esculape, de la Vipère aspic ou du Lézard des murailles. Alors, qu’à l’inverse, la Vipère péliade, qui est une espèce septentrionale, relique boréale, connait actuellement un fort déclin. Le Lézard vivipare et le Lézard des souches mériteraient d’être surveillés car leurs préférences climatiques ou leur cycle biologique les rend dépendants à une période de froid !
Comment aller plus loin ?
À ce jour, l’état des connaissances sur les reptiles est globalement satisfaisant à l’échelle de notre région. Toutefois, il est important qu’il soit actualisé de façon régulière pour ne pas surestimer la régression ou l’expansion des populations. Certains secteurs doivent également faire l’objet d’une attention particulière car ils restent, à ce jour, peu voire mal connus.
L’acquisition de connaissances complémentaires semble prioritaire au niveau de certains secteurs tels que : Le Bessin et le pays d’Auge dans le Calvados, le nord et l’ouest du Perche dans l’Orne ou bien encore le littoral du Pays de Caux et la vallée de la Bresle en Seine-Maritime. D’autres zones sont également sous-prospectées, c’est le cas du sud-est de la Manche et du Calvados ainsi que le sud de l’Eure.
Certains territoires ressortent comme étant des corridors majeurs de dispersion pour les reptiles à l’échelle de notre région. Il s’agit principalement de la vallée de Huisne dans le département de l’Orne et des vallées de l’Avre et de l’Eure dans le département de l’Eure. Leur préservation est donc nécessaire pour la préservation des populations de reptiles.
En l’absence de suivis adaptés, il est difficile d’évaluer la vulnérabilité des reptiles à court terme et de manière assez précise. Pour améliorer le niveau de connaissance, il existe un programme national qui peut être décliné à différentes échelles territoriales. Il s’agit du programme PopReptile , animé par la Société Herpétologique de France.
Pour en savoir plus, téléchargez la fiche complète de notre collection l’état des lieux des connaissances naturalistes régionales consacrée aux Reptiles