Les mammifères marins de Normandie

Les mammifères marins de Normandie

Les mammifères marins sont des animaux situés au sommet de la chaine trophique. Ils sont extrêmement sensibles aux modifications environnementales et jouent un rôle de sentinelles au sein des écosystèmes marins.
L’observation de leur présence et l’appréciation de leur état de conservation revêtent ainsi une importance cruciale dans l’évaluation de l’état et de la qualité de leur milieu.
En Normandie, plusieurs associations locales et organismes collaborent activement afin d’enrichir les connaissances sur ces animaux marins à travers des suivis réguliers et des recherches scientifiques approfondies, ce qui permet d’établir des plans de gestion prenant en compte ces enjeux

Quelques chiffres clés

24 espèces de mammifères marins observées ou retrouvées échouées sur le littoral normand dont :
· 17 espèces occasionnelles ;
· 7 espèces régulières, voire sédentaires.

3 espèces concentrent le plus d’observations : le Grand dauphin, le Marsouin commun, le Phoque veau-marin.

5 espèces de mammifères marins présentes en Normandie sont menacées d’extinction.
6 espèces quasi menacées à l’échelle nationale sont présentes sur les côtes normandes.

+ de 500

grands dauphins sont sédentaires en Normandie

+ de 400

phoques veaux-marins et environ 150 phoques gris observés en Normandie en 2022

Grands dauphins, photo: GECC
Phoque veau-marin, photo: Maison de l’Estuaire

2 des 4 plus importantes colonies de phoques veaux-marins de France sont normandes (baie du Mont-Saint-Michel et baie des Veys). En 10 ans, 200 phoques veaux-marins ont pu être identifiés en Normandie grâce au travail de photo-identification.

Composition du peuplement de mammifères marins en Normandie

Au cours des derniers siècles en Normandie, 24 espèces de mammifères marins ont été observées directement dans la Manche ou retrouvées échouées sur le littoral. Parmi celles-ci, 17 sont considérées comme occasionnelles ou marginales sur nos côtes.

Les eaux normandes abritent régulièrement cinq espèces de cétacés et deux espèces de pinnipèdes (phoques). Les régions voisines présentent un nombre d’espèces pratiquement similaire, avec 9 espèces en Bretagne et 7 espèces en Picardie.
Pour comparaison, les côtes françaises abritent couramment 12 espèces de mammifères marins, tandis que la façade de la Manche compte 9 espèces, la façade Atlantique en compte 10 et la Méditerranée en compte 6

Répartition des observations de mammifères marins sur les côtes Normandes

Le nombre d’observations enregistrées en 10 ans s’élève à 6 402. Celles-ci se concentrent principalement le long des côtes, dans la zone des eaux territoriales qui s’étend jusqu’à 12 milles nautiques.
Cinq espèces peuvent être observées sur tout le littoral normand : Grand dauphin, Dauphin commun, Marsouin commun, Phoque veau-marin et Phoque gris. Cependant, il convient de noter que cette échelle géographique est peu pertinente étant donné la taille des territoires exploités par ces espèces ainsi que leur grande mobilité.

Données d’observation de mammifères marins, période 2011-2020
Richesse spécifique de mammifères marins, période 2011-2020

Avec 8 espèces, le golfe normand-breton est le secteur où l’on retrouve le plus grand nombre d’espèces, suivi d’une vaste zone qui s’étend du nord du Cotentin jusqu’à Veulettes-sur-Mer sur le littoral cauchois (7 espèces). L’est du littoral cauchois semble être un peu moins riche, peut-être en raison d’une pression d’observation plus faible.

Cette homogénéité relative entre les secteurs cache des différences car les espèces présentes à l’est et à l’ouest de la région ne sont pas forcément les mêmes, le littoral normand se situant à une zone charnière à l’échelle de la façade Manche et mer du Nord. Par exemple, le Dauphin de Risso fréquente uniquement le golfe normand-breton tandis que le Rorqual commun a été observé seulement du nord du Cotentin au littoral cauchois

En Normandie, les observations se focalisent principalement sur trois espèces communes : le Grand dauphin, le Marsouin commun, le Phoque veau-marin. Ces espèces sont reconnues pour leur sédentarité et leur reproduction régulière sur le littoral normand.
Marsouin commun, photo GECC
Phoque veau-marin, photo : B. MORCEL
Grand dauphin, photo : GECC

État de conservation des petits cétacés de métropole

L’évaluation de l’état de conservation des petits cétacés doit être réalisée à des échelles spatiales et temporelles pertinentes sur le plan écologique pour les espèces suivies. Pour les petits cétacés, l’échelle géographique cohérente est la sous-région marine (SRM). Toutefois, au vu de la mobilité des espèces, de leurs aires de distribution et du découpage de certaines sous régions marines, les données disponibles peuvent s’étendre sur plusieurs sous-régions marines. Quatre sous-régions marines ont été définies dans les eaux françaises métropolitaines :

  • SRM Manche Mer du Nord (MMN)
  • SRM Mers Celtiques (MC)
  • SRM Golfe de Gascogne (GdG)
  • SRM Méditerranée Occidentale (MO)

L’état de conservation des petits cétacés et, plus spécifiquement l’atteinte du « Bon État Écologique » (BEE), repose sur l’évaluation de la distribution et de l’abondance des espèces suivies et de l’intensité des pressions pesant sur ces espèces.

Il n’est pas possible actuellement d’évaluer le BEE pour l’ensemble des espèces de cétacés représentatives pour la France par manque de données disponibles ou pertinentes pour ces estimations. Cela conduit à des listes réduites de cétacés par rapport aux listes d’espèces représentatives. En ce qui concerne les petits cétacés à dents, 5 espèces fréquentant de manière permanente les eaux françaises ont pu être évaluées : Le Marsouin commun / Le Dauphin commun / Le Dauphin bleu et blanc / Le Grand dauphin / Le Lagénorhynque à bec blanc

En ce qui concerne les petits cétacés à dents, 5 espèces fréquentant de manière permanente les eaux françaises ont pu être évaluées : Le Marsouin commun / Le Dauphin commun / Le Dauphin bleu et blanc / Le Grand dauphin / Le Lagénorhynque à bec blanc

Statut de menaces des mammifères marins présents en Normandie

Parmi les 22 espèces de mammifères marins observées en Normandie sur la période 2011-2020, seules 7 ont pu faire l’objet d’une évaluation grâce à la méthodologie UICN. Pour les 15 autres espèces, la méthodologie d’évaluation n’était pas applicable (NA) en raison de leur présence irrégulière sur les côtes normandes, ce qui représente 71 % des espèces étudiées.

Ainsi, sur la liste rouge régionale, réalisée en 2022 par le Groupe Mammalogique Normand (GMN). Aucune espèce de mammifères marins en Normandie n’a été classée en préoccupation mineure (LC). Parmi les 7 espèces évaluées, 2 sont considérées comme quasi menacées (NT) : le Marsouin commun et le Phoque veau-marin et 5 espèces sont classées comme menacées (EN/VU), telles que le Globicéphale noir, le Grand dauphin et le Phoque gris. Ce qui représente 21 % des espèces de mammifères marins présentes en Normandie.

6

espèces présentes en Normandie sont classées comme quasi menacées (NT) sur la liste rouge nationale.

Les espèces à enjeux en Normandie

Le Grand dauphin

Grand dauphin, photo GECC

Les grands dauphins forment, le long du littoral normand, une population sédentaire et côtière. Cette population est étudiée de près par le Groupe d’Étude des Cétacés du Cotentin et des mammifères marins de la mer de la Manche (GECC), association créée en 1997 qui a pour objectif l’étude et la préservation des mammifères marins présents dans la mer de la Manche.

Les résultats des suivis semblent montrer que la population de grands dauphins est en légère augmentation ces dernières années. La taille de la population est estimée autour de 500 à 550 individus. Le taux de survie des adultes est de 95 %, ce qui est proche des autres populations de petits cétacés. Le taux de reproduction annuel varie de 33 % à 71 % selon le statut des femelles, avec une survie de 66 % pour les jeunes de 0 à 1 an et 45 % pour les jeunes de 2 ans.

Les phoques veaux-marins et les phoques gris

En Normandie, la population de phoques veaux-marins fait l’objet d’un suivi par différentes structures normandes. Pour cela des comptages sont réalisés régulièrement, principalement dans les estuaires lors des marées basses et, dans certains cas, par des suivis par photo-identification. Ces études permettent d’indiquer que les populations de phoques veaux-marins de la région sont en croissance. En particulier dans la baie des Veys et dans la baie du Mont-Saint-Michel qui constituent les deux colonies « historiques » de phoques veaux-marins en Normandie.

Ces colonies sont suivies par le Parc Naturel Régional des Marais du Cotentin et du Bessin et la Réserve naturelle nationale du Domaine de Beauguillot pour la colonie de la baie des Veys, et par l’Etablissement public du Mont Saint-Michel pour la colonie de la baie du Mont. Résultats des comptages.

Phoque gris (premier plan à gauche) au milieu de phoques veaux-marins dans l’estuaire de Seine. Photo : Maison de l’Estuaire.

Ces deux sites se classent respectivement en deuxième et quatrième place pour les colonies les plus importantes en France métropolitaine en termes de fréquentation et de naissances.

Parallèlement, de nouveaux sites émergent, notamment dans les estuaires de l’Orne et de la Seine, ainsi qu’au niveau du havre de la Sienne sur la côte ouest du Cotentin. Ces nouvelles observations, et les chiffres issus des suivis, suggèrent une expansion potentielle de la répartition des phoques veaux-marins dans la région

Zoom sur : Le réseau national phoques
Les données d’observations de phoques sont compilées et publiées par la délégation de façade Manche-Mer du Nord de l’OFB, qui anime le Réseau National Phoques. Le partage d’informations et les retours d’expériences de ce réseau permettent de mieux comprendre les dynamiques de ces populations et d’adapter les mesures de gestion à l’échelle nationale. Actuellement, ce réseau rassemble les acteurs impliqués dans l’observation régulière de plus de dix colonies de phoques en France, ainsi que les centres de soins et les chercheurs spécialisés dans ce domaine. Ces différents suivis, le long des côtes normandes, fournissent des données précieuses sur la démographie, la répartition et la reproduction de ces espèces. Ces informations sont essentielles pour assurer la protection et la préservation de ces animaux emblématiques dans la région.

INDICES DE PRESSION

De nombreuses pressions sont à l’œuvre au niveau de la façade maritime Manche Mer du Nord. Il s’agit pas exemple du dérangement provoqué par certaines activités comme le tourisme ou la pêche à pied, la pollution chimique, les émissions acoustiques issues des activités de contre-minage ou des parcs éoliens… Ces pressions impactent les populations de mammifères marins et sont parfois tellement perturbatrices qu’elles provoques des échouages.

Données du réseau national échouages

En Normandie, les données d’échouages de mammifères marins sont centralisées par PELAGIS, le coordinateur du Réseau National Échouages (RNE). Des autopsies sont généralement effectuées sur les animaux échoués pour déterminer la cause du décès. Cette recherche vise à mieux comprendre les menaces qui pèsent sur les mammifères marins et à élaborer des mesures de conservation pour leur protection. Elles sont faites par les correspondants du RNE qui sont habilités.

En 10 ans, 18 espèces de mammifères marins se sont échouées sur les côtes normandes (cf carte ci dessous).

La mortalité des animaux échoués résulte de divers facteurs, parfois complexes à comprendre. Ces causes se répartissent en deux catégories distinctes : celles d’origine naturelle et celles attribuables à l’impact de l’activité humaine.

  • Les causes de mortalité naturelle chez les mammifères marins sont diverses. Elle concerne parfois des individus âgés, des juvéniles ou même des femelles en gestation. Les maladies infectieuses, qu’elles soient causées par des virus, des bactéries ou des parasites, contribuent également aux décès constatés. En outre, la prédation exercée par d’autres prédateurs marins constitue une menace supplémentaire, notamment lorsque les espèces entrent en compétition pour les mêmes ressources alimentaires.
  • Les causes d’origine anthropique suscitent des préoccupations majeures pour la survie des mammifères marins. Les captures accidentelles par des engins de pêche sont l’une de ces inquiétudes, tout comme la surpêche qui prive les mammifères marins de leurs proies naturelles. Les collisions mortelles avec les mammifères marins deviennent également de plus en plus fréquentes en raison de l’augmentation du trafic maritime. Chez les phoques, le dérangement humain est à l’origine de nombreux échouages de nouveaux-nés et constitue ainsi une cause importante de mortalité.
    Par ailleurs, les diverses formes de pollution – notamment les marées noires, les micro-plastiques, les produits chimiques persistants et la pollution sonore – exercent un impact dévastateur sur leur habitat. Enfin, les bouleversements globaux, tels que le changement climatique, perturbent la productivité des océans et modifient les zones de répartition des espèces, ce qui perturbe les chaînes alimentaires marines.

Cas des captures accidentelles :

Sans atteindre l’ampleur du phénomène constaté dans le golfe de Gascogne pour le Dauphin commun, des cas de captures accidentelles de mammifères marins sont recensés en Normandie. Le Marsouin commun y est très majoritairement représenté (65 % entre 2018 et 2022 en Normandie, Pelagis ; 51 % au niveau national, ICES, 2022).

Dans le cadre de Natura 2000, la filière pêche professionnelle est contrainte par obligation légale, de mener une étude des incidences de son activité sur les habitats et les espèces des sites Natura 2000 marins sur lesquels elle intervient (Code de l’Environnement art. 414-4). Via une méthode nationale, cette analyse est déployée sur les habitats et des mesures sont validées par les comités de pilotage des sites concernés. Une analyse des risques de porter atteinte aux objectifs de conservation des sites par les activités de pêche professionnelle doit être menée et des mesures de gestion doivent être proposées au besoin (article L414-4 du code de l’environnement). La méthode nationale est désormais développée pour les espèces (mammifères, tortues, oiseaux et poissons migrateurs), et actuellement en cours d’application au niveau biogéographique, via un croisement cartographique engin/espèce. Les premiers résultats vont arriver prochainement et des discussions sur les mesures à prendre seront menées. Un projet FEAMPA va permettre d’affiner ces analyses à l’échelle plus locale, puis de tester et valider les mesures techniques qui seront à mettre en place au sein des zones concernées. Source : ICES. 2022. Working Group on Bycatch of Protected Species (WGBYC). ICES Scientific Reports. 4:91. 265 pp.

Marsouin commun échoué sur la plage de Cabourg le 31 mars 2021 avec trace de capture accidentelle sur la partie avant de la tête. Photo : GMN.

Évaluation des lacunes de connaissance

Même si les informations déjà recueillies et analysées jouent un rôle de première importance dans la connaissance que nous avons des espèces qui fréquentent les eaux normandes. Il n’en demeure pas moins qu’en raison de la complexité de la collecte de données en milieu marin, l’état actuel des connaissances met en lumière plusieurs domaines où des lacunes subsistent. En effet, la mer de la Manche est soumise à l’un des trafics maritimes les plus denses au monde et subit l’influence d’autres activités humaines, telles que la pêche, l’aquaculture, le déminage sous-marin, le développement des énergies marines renouvelables, l’exploitation des granulats marins et le tourisme. Des études sont donc en cours ou doivent être menées pour permettre de :

  • combler les lacunes liées aux espèces discrètes et/ou aux espèces rares ;
  • combler les lacunes liées à certains secteurs géographiques ;
  • quantifier la ressource alimentaire et d’identifier les zones fonctionnelles d’alimentation ;
  • comprendre l’impact du dérèglement climatique.

Conclusion

Sur les 24 espèces de mammifères marins qui ont été observées au moins une fois sur les côtes normandes, 3 sont communément vues car elles sont sédentaires et/ou se reproduisent dans la région (Grand dauphin, Phoque veau-marin et Marsouin commun). 4 autres espèces sont régulièrement observées (Phoque gris, Dauphin commun, Globicéphale noir et Dauphin de Risso), les 17 autres espèces ne sont présentes sur nos côtes que de façon occasionnelle voire exceptionnelle.

De nombreux suivis sont réalisés le long des côtes normandes. Ils permettent d’obtenir de nombreuses données sur la démographie, la répartition et la reproduction de ces espèces. C’est ainsi que nous pouvons dire que 500 à 550 grands dauphins fréquentent les eaux normandes ; que la colonie de phoques veaux-marins en baie des Veys est la deuxième plus importante de France avec un maximum de 265 phoques et 76 couples mères-petits en 2022 ou bien encore que les suivis par photo-identification ont permis d’identifier 200 phoques veaux-marins et plus de 200 grands dauphins différents.

Ces informations sont essentielles pour comprendre l’évolution des populations, leur démographie, leur répartition. Elles permettent ainsi de guider les actions de conservation et de protection de ces animaux emblématiques pour la région. En effet, il est important de préciser que ces espèces, même si elles peuvent être régulièrement observées, subissent de nombreuses pressions. Ainsi, sur les 7 espèces communément vues, 5 sont menacées d’extinction et 2 sont quasi menacées sur la liste rouge des mammifères de Normandie.

Il est donc, plus que jamais, nécessaire de poursuivre et d’accentuer les travaux de recherche et l’acquisition de données sur ces espèces afin de mieux les connaître et de clarifier les impacts des activités humaines ou du changement climatique dans la régression, voire la disparition, de nos côtes de certaines de ces espèces.

Pour aller plus loin

Pour en savoir plus, consultez la fiche ressource « Connaître et protéger les mammifères marins »

Pour en savoir plus, téléchargez la fiche complète de notre collection Indicateurs de Biodiversité Normandie consacrée aux mammifères marins

Contacts

Melissande GAULTIER – GMN
Chargée de mission Mammifères marins
Maïlys BAUDOINT – GECC
Chargée d’OBSenMER et du réseau d’observateurs
Sophie PONCET – OFB
Chargée de mission oiseaux et mammifères marins
Maxime SPAGNOL – Association AVRIL
Chargé de mission littoral et biodiversité