Les Bryophytes de Normandie

Les Bryophytes de Normandie

De par leur physionomie, leur taille réduite et leur grande sensibilité aux facteurs environnementaux, les bryophytes constituent de remarquables indicateurs d’évolution des paramètres écologiques et de modification du fonctionnement des écosystèmes. Colonisant à peu près tous les supports et tous les biotopes à l’exclusion du milieu marin, les bryophytes jouent un rôle majeur dans le cycle des nutriments, dans la rétention et la disponibilité en eau (notamment dans les zones humides), mais peuvent aussi faciliter l’installation des plantes supérieures en fixant le substrat (dans les dunes par exemple) ou en créant et stabilisant une fine couche d’humus (notamment dans les fissures et replats rocheux).

Les chiffres clés

  • 606 taxons recensés en Normandie depuis 1990, soit 45 % de la bryoflore de France métropolitaine;
  • 61 taxons non revus en Normandie depuis 1990;
  • 1 taxon protégé en France métropolitaine et au niveau européen, découvert dans l’Orne en 2021;
  • 18 taxons protégés au niveau régional (13 en ex Basse-Normandie, 5 en ex Haute-Normandie);
  • 20 513 données postérieures à 1990, bancarisées et validées.
Hookeria lucens – Vallée du Trottebec (50) – © STAUTH S.

Qu’est-ce qu’une Bryophyte ?

Les Bryophytes sont des végétaux qui assurent la transition entre les algues et les plantes supérieures. Elles ne possèdent pas de vrai système vasculaire ni de racines ; leur ancrage se fait grâce à des rhizoïdes.

Elles ont longtemps été considérées comme des plantes « inférieures », parfois appelées cryptogames en raison de leur reproduction sexuée « cachée » (sans fleur). Elles possèdent un cycle à deux générations distinctes :

  • le gamétophyte, constitué soit d’une tige portant des feuilles soit d’un thalle plus ou moins ramifié et aplati sur le substrat,
  • le sporophyte, comportant une capsule où sont produites puis libérées les spores, qui est portée par une soie. Il se développe sur le gamétophyte.

On distingue parmi les bryophytes, 3 lignées : les mousses (dont les sphaignes), les hépatiques et les anthocérotes. Elles se distinguent sur des critères morphologiques et anatomiques. Les mousses et une partie des hépatiques se présentent sous la forme d’une tige feuillée alors que les autres hépatiques et les anthocérotes sont constitués d’un thalle (sorte de lame verte de forme et de taille diverses)

Les bryophytes investissent souvent des habitats de taille réduite (ou micro-habitats) au niveau desquels la moindre variation peut conditionner la présence ou l’absence d’une espèce. La nature du support, l’exposition, la luminosité, la présence de fissures, de zones d’accumulation d’eau ou de débris organiques, la hauteur, le degré d’humidité… sont autant de paramètres à prendre en compte lors de prospections bryologiques car ces indices apporteront des indications précieuses pour la détermination.

La bryologie en Normandie
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La Normandie est l’un des grands foyers de la bryologie française, notamment au XIXème siècle avec Boulay, Corbière, De Brébisson, Husnot… puis au début du XXème siècle avec Allorge, Douin, Frémy, Meslin ou encore Potier de la Varde. Après une période de moindre activité (1940 à 1970), la bryologie normande retrouve un essor important dans les années 1980 grâce aux prospections et aux nombreuses publications d’Alain Lecointe (1943-1998) et Jacques Bardat. Depuis 2000, grâce aux recherches assidues de quelques bryologues (J. Werner, J. Lagrandie, T. Prey, F. Bonte, JC Hauguel, E. Cléré, M. Vanot, S. Stauth…), les connaissances sur la bryoflore normande se sont affinées de manière significative, avec la découverte de plusieurs taxons nouveaux, une meilleure appréhension de la répartition des taxons par départements, et la mise en place d’un observatoire à l’échelle de la Basse-Normandie puis de l’ensemble de la Normandie permettant la centralisation et la valorisation des données anciennes et récentes.

L’Observatoire régional des bryophytes et des lichens
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Depuis 2008, le CBN de Brest et le CPIE du Cotentin collaborent à la mise en place d’un observatoire régional des bryophytes et lichens afin de bancariser les données issues de la bibliographie, des herbiers et des prospections de terrain et les valoriser en les rendant accessible à tous via une interface en ligne (eColibry). Après une phase de lancement sur le territoire de l’ex Basse-Normandie, le projet a été étendu à l’ensemble du territoire d’agrément du CBN de Brest. Depuis, l’observatoire à vocation à s’étendre sur l’ensemble de la région Normandie, en associant les deux antennes normandes des CBN de Brest et de Bailleul, le CPIE du Cotentin et des experts régionaux. Dans le cadre de cet observatoire, un bilan est rédigé chaque année par le CPIE du Cotentin afin d’établir un état d’avancement des connaissances.

RICHESSES SPECIFIQUE DE LA BRYOFLORE NORMANDE

Dans l’état actuel des connaissances, la bryoflore normande est riche de 606 taxons, dont 3 Anthocérotes, 139 Marchantiophytes ou hépatiques (à thalle et à feuilles) et 464 Bryophytes s.s.

Exemple de Bryophyte anthocérote – Anthoceros punctatus –
© Prey T.
Exemple de Bryophyte Hépatique à thalle – Pellia epiphylla –
©Stauth S.

Exemple de Bryophyte Hépatique à feuilles – Mesaptychia turbinata – © Stauth S.
Exemple de Bryophytes s.s – Thuidium tamariscinum et Polytrichum formosum – ©Stauth S.

Avec 460 taxons, le département de l’Orne présente actuellement la plus grande diversité de bryophytes des 5 départements normands ; la présence de milieux particulièrement propices aux bryophytes, comme les tourbières et pierriers au sein de grands massifs forestiers, accentue les potentialités d’accueil de ce département pour ce groupe taxonomique.

Marqué par des paysages plus homogènes, plus agricoles, et probablement d’un déficit de prospection, l’Eure affiche un peu moins de 360 taxons.

Largement prospecté au XIXe et début du XXe siècle par des bryologues renommés (Corbière L., Letacq, Pottier de la Varde, Frémy, Meslin…), le département de la Manche présente le plus fort taux de taxons disparus, du moins non revus depuis au moins 30 ans.

REPARTITION DES TAXONS DE BRYOPHYTES

Nombre de taxon par maille 5*5 km observés depuis 1990 en Normandie
  • La majorité des mailles avec des données de bryophytes contiennent moins de 5 taxons;
  • La plus grande diversité est observée sur les sites phares, cœur de bryodiversité et de fait les plus prospectés;
  • Seulement 3 % des mailles concernées par des données bryologiques (0,2% de l’ensemble des mailles) ont une richesse taxonomique supérieure à 100 taxons;
  • A l’échelle communale, on observe que près de la moitié des communes normandes concernées par des observations récentes, n’affiche à l’heure actuelle pas plus de 5 taxons;
  • Près de la moitié des taxons de bryophytes sont actuellement connus dans moins de 10 communes à l’échelle régionale et seulement 14 % dans plus de 50 communes.

Une majorité des bryophytes normandes sont présentes dans plusieurs départements de la région et 38 % des taxons ont déjà été recensés dans les 5 départements. Un peu plus de 110 taxons de la liste régionale ne sont cités que dans un seul département (depuis 1990). Parmi eux, 53 taxons (soit 9 % de la bryoflore régionale) ne sont connus que d’un seul département dont près de 30 ont été découverts après 2000. Il est important de noter que parmi ces 110 taxons, 60 ont déjà été observés par le passé (avant 1990) dans un ou plusieurs autres départements normands ; les causes de leur disparition sont probablement liées à la destruction de leurs habitats, à la modification des conditions édaphiques, ou bien encore au manque de prospections ciblées dans les stations historiques.

NOMBRE ET REPARTITION DES DONNEES CONTEMPORAINES D’ESPECES DE BRYOPHYTES EN NORMANDIE

Près d’un tiers des communes normandes (32,5 %) sont concernées par des observations récentes de bryophytes. Elles sont plus de 53 % dans la Manche, entre 30 et 40 % dans le Calvados, dans l’Orne et dans l’Eure, et 17 % en Seine-Maritime.

Ce dernier département affiche paradoxalement le plus grand volume de données contemporaines saisies, en lien avec les inventaires, suivis et prospections spécifiques menés par l’antenne Normandie-Rouen du CBN de Bailleul ainsi que par des experts indépendants contributeurs.

Nombre de données de bryophytes par maille 5*5 km, observées depuis 1990 en Normandie
Focus sur un hot-spot bryologique normand : la Fosse-Arthour
A cheval sur les départements de la Manche et de l’Orne, sur les communes de Saint-Georges-de-Rouelley et Rouelle, la cluse de la Fosse-Arthour, entaillée dans une crête de quartzite armoricaine, présente un ensemble de falaises, parois et pierriers particulièrement propices au développement de cortèges bryologiques riches et diversifiés. Le site est d’autant plus attractif qu’il cumule une pluviométrie annuelle importante, un dénivelé marqué et une incroyable diversité de contextes micro-stationnels. A ce jour, près de 150 taxons de bryophytes sont connus de la Fosse-Arthour, dont plus de 100 observés après 2000. De nombreuses espèces rares à très rares, inféodées pour la plupart aux blocs rocheux siliceux, s’y développent, dont 3 bryophytes protégées au niveau régional mais également de nombreux taxons à enjeu.
La Fosse-Arthour – © Lagrandie J.

INDICES DE RARETE DES BRYOPHYTES NORMANDES

A l’échelle de la région, plus de 60 % des taxons sont considérés comme rares à très rares. Néanmoins, de fortes disparités existent au sein même de la Normandie. Certains taxons sont communs au sein du Massif armoricain et rarissimes (voire absents) du Bassin parisien, et inversement.

Au niveau départemental, la proportion de taxons rares à très rares avoisine 50 % (44 % dans l’Eure), et même 65 % si on ajoute les taxons assez rares (58 % dans l’Eure).

Statuts de rareté des bryophytes normandes observées depuis 1990, estimés au niveau régional, à dire d’experts

Les taxons non revus depuis 1990 sont très majoritairement considérés comme très rares au niveau régional (84 %). Il est aujourd’hui délicat de les catégoriser comme disparus. En effet, plusieurs facteurs peuvent expliquer l’absence d’observations de ces derniers: difficultés de détermination (associées au faible nombre de spécialistes à même de les reconnaître), discrétion des espèces concernées ou bien encore raréfaction de leurs biotopes (ex. les marais alcalins)…

Des statuts de protection régionaux

Les ex territoires de Basse et de Haute-Normandie font partie des rares secteurs qui ont bénéficié de listes de bryophytes protégées au niveau régional. A ce jour, aucune bryophyte ne bénéficie d’une protection à l’échelle normande car aucun taxon n’est inscrit sur les deux listes.

5 espèces

protégées dans l’Eure et la Seine-Maritime

L’arrêté du 3 avril 1990 relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Haute-Normandie fixe la liste des bryophytes protégées dans l’Eure et la Seine-Maritime. Il s’agit d’espèces plutôt associées aux biotopes acidophiles et sciaphiles, tels que des boisements humides, sur humus et bois mort.

13 espèces

protégées dans le Calvados, la Manche et l’Orne

L’arrêté du 27 avril 1995 relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Basse-Normandie fixe la liste des bryophytes protégées dans le calvados, l’Orne et la Manche.

Hookeria lucens (Hedw.) Sm. – protégée 27/76
Mousse de taille robuste aux rameaux aplatis, elle forme des colonies parfois étendues sur les berges de petits cours d’eau, mais aussi au sol ou sur paroi rocheuse dans les zones de suintement, en sous-bois. Elle affectionne les milieux acides, oligotrophes à mésotrophes et ombragés. Elle n’est connue que de 6 communes, toutes en Seine-Maritime. Alors qu’elle est plus régulièrement observées dans la Manche et dans l’Orne.
Southbya nigrella (De Not.) Henriq – protégées 14/50/61
Petite hépatique à feuilles au port rampant, Southbya nigrella est une espèce pionnière, typique des fissures et replats ombragés, frais à suintants, des roches calcaires. Caractérisée par des tiges courtes et des feuilles opposées s’imbriquant transversalement de part et d’autre, elle arbore une couleur vert foncé quand elle est humidifiée mais devient noirâtre en condition sèche, ce qui la rend parfois plus difficile à détecter. Découverte par Alain Lecointe à la fin des années 1970 dans le Calvados, elle est actuellement connue de 5 communes du Calvados, 3 de l’Eure, 1 de l’Orne et 1 en Seine-Maritime où elle a été découverte très récemment (juillet 2021).

Des statuts de protection nationaux

12 espèces sont protégées en France dont 2 potentiellement présentes en Normandie: Buxbaumia viridis, découverte dans l’Orne en 2021 (Boudier P., Hunault G. & Pou A.-M.) et Hamatocaulis vernicosus, dont la présence est douteuse en Normandie en raison d’une part de l’ancienneté des données (antérieure à 1900) et de la confusion avec une autre espèce.

Des statuts de protection européens

La directive de l’Union européenne 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que des espèces de la faune et de la flore sauvages mentionne 32 espèces de bryophytes dans son annexe II (Annexe qui liste les espèces animales et végétales d’intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation, pour la réalisation d’un réseau cohérent, de zones spéciales de conservation). Parmi ces bryophytes, seule la mousse Buxbaumia viridis, précédemment citée, est présente en Normandie.

Toutes les sphaignes présentes en Normandie (soit 25 espèces) et la mousse forestière Leucobryum glaucum (assez commune en Normandie) sont listées comme des espèces pour lesquelles le prélèvement dans la nature et l’exploitation sont susceptibles de faire l’objet de mesure de gestion.
Annexe V de la directive de l’Union européenne 92/43/CEE

Des bryophytes normandes menacées au niveau européen

Au regard de la liste rouge européenne des bryophytes, 92 % des taxons normands observés depuis 1990 entrent dans la catégorie « Préoccupation mineure (LC) » ; 23 taxons sont considérés comme « potentiellement menacés (NT) » , 9 comme « vulnérables (VU) » et 4 « en danger (EN) » au niveau européen.

Parmi les taxons de bryophytes non revus en Normandie depuis 1990, 12 présentent un enjeu patrimonial fort au niveau européen : 4 sont « en danger (EN)» ; 7 sont « vulnérables (VU)» et 1 « quasi-menacée (NT)».

Des enjeux forts pour certains départements

Le département de l’Orne héberge 24 espèces à enjeu fort, dont 3 classées dans la catégorie « en danger » de la liste rouge européenne :

  • la mousse Scopelophila cataractae, typique des substrats humides pollués par les métaux lourds (notamment par le zinc). Sa découverte date de 1988, près d’une usine (Lecointe & Schumacker). elle a été revue en 2017 par J. Lagrandie et F. Bonte, au bord d’une piste forestière en Andaine (piste où avaient été déposées des munitions de la 2nde guerre mondiale).Cette espèce est également connue dans l’Eure, sur un ancien dépôt de métaux auprès d’une ancienne usine.
  • Les deux autres espèces classées « en danger » sont : l’hépatique Cephaloziella integerrima et la minuscule mousse Micromitrium tenerum.
Scopelophila cataractae en Andaine (61) © Lagrandie J.

Dans la Manche, 1 espèces est classée « en danger » dans la liste rouge des bryophytes d’Europe et « vulnérable » dans la liste rouge mondiale (2000). Il s’agit de l’hépatique à feuilles turficole Biantheririon undulifolium (Lagrandie & Bonte, à paraître). Elle a été découverte en 2000 au sein des marais de la vallée du Gorget . Attention toutefois, car c’est une espèce qui se développe au sein des tapis de sphaignes où elle est très facile à confondre à l’état stérile avec Odontoschisma sphagni, non rare dans les tourbières à sphaignes de Normandie.

LES ESPECES NON INDIGENES

3 espèces

de la bryoflore normande sont considérées comme non indigènes car originaires de l’hémisphère sud

Campylopus introflexus – RNN tourbière de Mathon (50) – © Stauth S.

La mousse Campylopus introflexus est de loin la plus commune de ces trois espèces en Normandie. Il est difficile de savoir précisément quand elle est arrivée dans la région car elle a été longtemps confondue avec Campylopus pilifer. Les premières données enregistrées en Normandie datent du début des années 1970. Elle est aujourd’hui abondante dans les 5 départements normands. Formant des coussinets, voire des tapis, hérissés de poils hyalins coudés, elle peut se développer rapidement dans les habitats acides (forêts, landes, dunes…) après une perturbation (coupe forestière, incendies…).

Cette mousse investit autant l’humus que les souches, les touradons de molinie, les dalles rocheuses ou les murets. En Normandie, elle présente une affinité importante pour les substrats tourbeux. Pionnière, elle est dotée d’une grande tolérance écologique et de facultés de dispersion importantes. Elle se développe en produisant un grand nombre de spores mais également via la dispersion de propagules. Sa dynamique de colonisation peut limiter voire exclure les bryophytes autochtones et ainsi appauvrir localement les cortèges muscinaux. En formant des tapis denses et compacts, elle peut également freiner la germination de certaines plantes supérieures, notamment des Ericacées.

Les deux autres espèces non indigènes sont :

  • l’hépatique à feuille Lophocolea semiteres (naturalisée en Europe de l’Ouest), elle se développe au sol dans les bois et les landes. Elle n’est actuellement connue que d’une commune du Calvados. Discrète par sa taille, elle peut facilement être confondue avec des espèces proches, telles que Lophocolea heterophylla ou Chiloscyphus polyanthos.
  • la mousse Orthodontium lineare (naturalisée et en expansion en Europe de l’Ouest et centrale), elle a été signalée pour la première fois en 1985, dans le Calvados. Cette espèce investit préférentiellement les habitats ombragés et hygrophiles et se développe plus particulièrement sur le bois pourrissants, parfois l’humus. Elle est aujourd’hui recensée dans les 5 départements normands, avec une prédominance en Seine-Maritime (20 communes). Son caractère concurrentiel n’est à ce jour pas évalué.

QUELQUES EXEMPLES D’HABITATS A FORT ENJEU BRYOLOGIQUE

Pour certains habitats naturels présents en Normandie, les bryophytes représentent un élément constitutif majeur. C’est le cas par exemple des tourbières acides, des tufières ou sources pétrifiantes, des escarpements rocheux et des pierriers ou bien encore des pelouses calcicoles.

Tapis de sphaignes dans le bois de Goult (61) – © Stauth S.
Sources pétrifiantes en Seine-Maritime – © CBN Bailleul
Pierrier de la Grande Noé (61) – © Lagrandie J.
Pelouse calcicole sur la RNR Côte de la Fontaine (76) – © Stauth S.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Caractérisée par un large panel d’habitats naturels, la Normandie présente une bryoflore riche et diversifiée. De par leur typicité et leurs préférences écologiques, bon nombre d’espèces de bryophytes constituent de remarquables indicateurs d’état des milieux naturels. Ainsi ces organismes aux caractéristiques particulières sont en capacité de coloniser en premier les substrats dépourvus de toute végétation (sables des dunes, sols crayeux des coteaux…) ou de constituer des habitats dits « particuliers » tels que les tourbières acides et alcalines, les tufières ou encore les falaises et éboulis rocheux. Cela leur confère un rôle essentiel souvent trop ignoré dans l’organisation et le fonctionnement des écosystèmes naturels. La présence, en Normandie, de taxons menacés, notamment à l’échelle européenne, implique une responsabilité de conservation forte au territoire pour ce groupe taxonomique.

  • La pression d’observation reste limitée à la fois du fait du faible nombre de spécialistes mais également du manque de moyens dévolus à l’acquisition de connaissances. Ainsi, la répartition des taxons à l’échelle régionale est insuffisamment documentée, ce qui est d’autant plus délicat pour les taxons les plus rares, souvent difficiles à déterminer. Le travail de bancarisation et de valorisation des données engagé en Normandie par les CBN de Brest et de Bailleul, en collaboration étroite avec les experts régionaux, doit être poursuivi et amplifié;
  • La région a été l’une des premières à bénéficier de listes de bryophytes protégées, elle ne dispose cependant pas à ce jour de liste rouge régionale ni de liste d’espèces déterminantes ZNIEFF, or ces référentiels sont indispensables pour une meilleure prise en compte des bryophytes dans les études d’impacts et autres projets d’aménagement;
  • Un travail d’actualisation des connaissances sur la caractérisation des cortèges biogéographiques et écologiques est aujourd’hui nécessaire ; il pourrait constituer une base intéressante pour évaluer l’impact du changement climatique sur la bryoflore régionale, notamment en observant l’évolution des cortèges méditerranéens, a priori favorisés par une augmentation des températures, et celle des espèces d’affinité montagnarde (orophiles), plutôt en voie de raréfaction;
  • Les menaces qui pèsent sur les bryophytes sont principalement liées à la raréfaction et à la dégradation de leurs habitats de prédilection: assèchement et eutrophisation des zones humides, qualités des eaux, exploitation forestière inadaptée par suppression du bois mort, urbanisation ou retournement des landes…). Certaines activités de loisirs de plein air peuvent être ponctuellement dommageables pour les bryophytes ; ainsi la surfréquentation touristique et la pratique de l’escalade en milieu naturel peuvent entraîner la raréfaction de cortèges bryologiques saxicoles de grand intérêt;
  • La poursuite de la sensibilisation de tous – élus, gestionnaires d’espaces naturels, socio-professionnels, grand public – vise à améliorer la prise en compte des bryophytes dans les politiques publiques régionales et l’aménagement du territoire.
Aquarelle Milieu Boisé – © Céline Lecoq CPIE du Cotentin

Pour en savoir plus, téléchargez la fiche complète de notre collection Indicateurs de Biodiversité Normandie consacrée à l’état des lieux des connaissances sur les Bryophytes en Normandie

Séverine STAUTH
Observatoire des bryophytes et lichens de Normandie